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Source des données : BnF Archives et manuscrits

• En tête du volume sont placés 4 f. de vélin. Le 4e de ces f. de garde porte au r°, en lettres d'or sur fond d'azur, l'inscription suivante : Je, Guillaume Richardierre, ay faict l'enluminure du present missal par le commandement de monsrDes Alymes, ambassadeur de monseigneur le duc de Sçavoye en France, lequel j'ay achevé en cinq mois, aydé de deux compagnons, sans faire autre besoingne. Ledict seigneur m'a donné pour mes peines et sellon le marché faict, pour l'enluminure seulement, cent quarante escus d'or sol. La relieure a cousté quinze escus sol, le missal en blanc trois escus sol ; en tout monte : cent cinquante huict escus. Faict à Paris le premier auost [sic] 1586.

  Au v° de ce même f. sont les armes de René de Lucinge, seigneur des Alymes, qui portait : écartelé : au 1er et 4e d'argent à 3 bandes de gueules ; au 2e et 3e fascés de sinople et d'argent, de six pièces.

  Les 14 f. qui suivent le titre contiennent : 1° une bulle du pape saint Pie V, relative à la publication du missel romain, bulle datée du 14 juillet 1570 ; 2° le texte du privilège accordé par le même pape à Jacques Kerver pour l'impression du missel romain en France (la date n'en est pas rapportée) ; — 3° le texte du privilège accordé au même Kerver par le pape Grégoire XIII pour l'impression des bréviaires et des missels romains (également sans date) ; — 4° un extrait des privilèges donnés à Kerver par le roi Charles IX, les 22 janvier 1563, 1er février 1567, 13 avril et 24 octobre 1572 ; — 5° un extrait du privilège donné à Kerver par le roi Henri III, le 9 novembre 1577 (les privilèges royaux visent à la fois le bréviaire romain, le missel, le diurnal et l'office de la Vierge) ; — 6° la bulle du pape Grégoire XIII relative à la réforme du calendrier ; — 7° le calendrier. — Le 16 f. lim. est blanc.

  Les 22 autres f. lim. contiennent les Rubricae generales missalis, le Ritus servandus in celebratione missae, etc.

  Les Indices qui terminent le volume sont précédés d'un titre ainsi conçu :

  Indices || Romani Missalis, || compendio quidquid || in eodem continetur, || dilucide ante oculos || ponentes. || Parisiis, || Apud Viduam Iacobi Keruer, via Iacobæa, sub || signo Vnicornis. || M.D.LXXXV [1585].

  Le volume se termine par 4 f. de garde en vélin, dont le premier porte, au r°, les armes mi-parties de M. DES ALYMES et de FRANÇOISE DE MONTROSAT, sa femme. Cette dernière portait : d'or, chargé en bande d'un écu écartelé : au 1er et 4e de gueules ; au 2e et 3e de vair.

  René de Lucinge appartenait à l'une des plus illustres familles de la Savoie. Né vers 1551, il était fils de Charles de Lucinge et d'Anne de Liobard. En 1572, il accompagna Charles de Lorraine, comte de Mayenne, qui allait combattre les Turcs. Le 14 janvier 1582, il fut pourvu par le duc Charles-Emmanuel de la charge d'auditeur en ses armées. La même année, il fut envoyé en ambassade auprès du roi Henri III ; il s'acquitta de cette mission avec tant de distinction qu'il fut successivement nommé grand référendaire de Savoie, maître des requêtes, conseiller d'Etat, premier maître d'hôtel et ambassadeur. Il continua auprès de Henri IV les fonctions qu'il avait remplies auprès de Henri III, et fut notamment chargé, avec le comte d'Arcona, de négocier le traité de Lyon, par lequel le duc de Savoie cédait à la France la Bresse et divers autres territoires (7 janvier 1601). Charles-Emmanuel ayant désavoué ses mandataires, M. Des Alymes tomba en disgrâce. Moreri, qui lui a consacré un important article, n'indique pas la date de sa mort.

  Sans nous arrêter à ce qu'a d'insolite une facture placée à la première page d'un livre de grand luxe, nous ferons remarquer la disproportion qui existe entre le prix de la reliure et celui de l'enluminure. La reliure est du genre de celles que l'on attribue aujourd'hui aux Ève ; peut-être est-elle effectivement d'un de ces artistes. Richardière, n'étant pas libraire, ne pouvait être relieur. Quelle que soit la richesse de la reliure, le prix de l'enluminure est près de neuf fois et demie plus élevé ! Si l'on songe que, de nos jours, un artiste en renom ne demanderait pas moins de 2, 000 ou 3, 000 francs pour exécuter une reliure analogue à celle qui recouvre notre Missel, on sera surpris de la dépense à laquelle pouvait entraîner la décoration d'un livre à la fin du XVIe siècle.

  Reliure à compartiments de mosaïque, aux armes de René de Lucinge, seigneur des Alymes, ambassadeur du duc de Savoie en France, exécutée sur un Missale Romanum (Parisiis. J. Kerver, 1583)

  On se rendra compte, du reste, du travail fourni par Richardière et par ses deux compagnons si l'on songe que le Missel compte : 7 grandes miniatures tenant la page entière (fol. [38] v°, 10 v°, 117 v°, 127 v°, 143 v°, 151 v°, 232 v°;), 252 petites histoires (non compris les figures des saints Pierre et Paul qui ornent le titre, ni la marque de J. Kerver au v° du dernier f.), 302 grandes initiales, 61 initiales moyennes et 232 petites lettres. Le titre est tiré en or à la presse.

  Guillaume Richardière avait traité à forfait avec M. Des Alymes ; mais il avait un tarif fixe pour chaque miniature ou chaque lettre peinte, suivant la grandeur. Nous trouvons le détail de ce tarif dans une quittance donnée, l'année suivante, par l'artiste parisien, au vicaire du prieur de Saint-Martin des-Champs, qui l'avait également chargé de la décoration d'un missel. (Biblioth. nat., Collections de pièces originales, R 2476).

  Nous ne possédons pas de détails biographiques sur Richardière ; tout ce que nous savons, c'est qu'il avait épousé en 1580 la fille de Philippe Danfrie, qui s'est fait connaître à la fois comme imprimeur, graveur et mathématicien. Voy. Note sur l'enlumineur parisien Guillaume Richardière et sur son beaupère Philippe Danfrie, par M. Émile Picot (Paris, 1889, in-8, extr. du Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile-de-France, mars-avril 1889). Nous ajouterons seulement que le nom de Richardière n'était pas encore oublié au milieu du XVIIe siècle. Il est cité avec éloge par l'abbé de Marolles (Mémoires, II, 1657, p. 258), en même temps que les noms de deux autres miniaturistes : Hans et Garnier.

  Inscription de Guillaume Richardière, anlumineur du Missale Romanum enluminé et relié en 1586 à Paris pour M. des Alymes, ambassadeur du duc de Savoie en France

  Sur M. Des Alymes, voy. les notices Rothschild 2219, art. 6, et Rothschild 2560.

  Le présent volume, découvert en Italie par M. le comte d'Épinay, le sculpteur bien connu, a figuré dans une vente d'objets d'art faite à Paris au mois de juin 1887.